J.M. Erre : Le Bonheur est au fond du couloir à gauche

Jean-Marcel Erre qui publie sous la signature J.M. Erre, est un écrivain français né en 1971 à Perpignan. Depuis 2018, il collabore au magazine Fluide Glacial avec des scénarios de BD dessinés notamment par son frère Fabrice Erre, ainsi qu'avec des nouvelles. Le Bonheur est au fond du couloir à gauche (2021), est son dernier roman.

Michel H. est bien triste, sa copine Bérénice vient de le quitter. Doté d’un caractère dépressif suicidaire, il est mal barré mais contre toute attente, décide de reprendre sa vie en main, persuadé de plus, que la sortie de l’aimée n’est que provisoire. Michel H. n’est pas très fûté de nature…

Pour les malheureux (si ! si !) qui ne connaissent pas l’écrivain, sachez qu’il pratique l’humour à fortes doses et qu’ouvrir l’un de ses romans c’est s’offrir une pinte de bon temps. Ce livre, en théorie, vue son épaisseur ridicule j’aurais dû le lire en deux longues respirations, bah non ! Je me bidonnais tellement, que chaque page méritait une pause car je ne sais pas si vous l’avez remarqué, mais trop rire peu souler. Et ici, l’ivresse vous guette à chaque ligne.

Humour pince-sans-rire, humour classique, humour noir, le gars connait toutes les techniques avec une spécialité, l’ironie. Ou, comme le dit Michel H., « J’aime Michel Houellebecq, car il me donne de l’espoir. »

Michel H. veut faire revenir sa copine et aussi trouver le bonheur. Alors il va utiliser toutes les possibilités offertes par notre monde moderne : consulter les forums sur Internet, les blogs ou les annonces de marabouts africains, il essaie toutes les suggestions ou propositions, boosté par des extraits optimistes des discours du président Macron. Puis il s’intéresse aussi aux bouquins abandonnés par Bérénice, des livres de coaching et de développement personnel. Inutile de vous dire que toutes ces sources d’informations, d’une fiabilité plus que suspecte, sont à hurler de rire.

Que ce soient les régimes alimentaires sensés apporter le bonheur (« Heureux ancêtres qui ignoraient la constipation et mourraient à trente ans avec un transit impeccable. ») ou la spiritualité (« Le Dalaï-Lama qui sourit tout le temps alors qu’il ne remettra jamais une tong au Tibet ? Radieux. »), notre héros tente tout. Les réseaux sociaux ne sont pas oubliés, cela va de soi, pour le conseiller, « Heureusement que des millions de personnes estiment crucial pour l’avenir du genre humain de raconter leur vie sur Internet ? » ni bien entendu la télévision, « Je passe des heures devant les chaînes d’informations en continu. Pour devenir incollable sur le malheur, c’est impeccable. » Ses espoirs et ses travaux d’enquêtes sont perturbés par ses voisins, Mr Patusse tellement à cheval sur le règlement intérieur de l’immeuble ou encore Piotr, « intermittent du spectacle drogué à plein temps ». 

La société moderne est sévèrement taclée par l’ironie destructrice de J.M. Erre, chaque ligne est désopilante et le suicidaire Michel affiche néanmoins un bel optimisme quant à la réalisation de son double projet. D’ailleurs on frappe à la porte, Bérénice est là…. mais… !

Epatant bouquin, magnifique moment de lecture très drôle.

 

 

« Par la suite, j’ai multiplié les petits boulots. Caissier dans un supermarché, avant d’être remplacé par une machine ; manutentionnaire dans une usine, remplacé par une machine ; livreur de machines, remplacé par une machine. Aujourd’hui, je suis inscrit dans une agence d’intérim spécialisée : on m’appelle pour remplacer les machines qui tombent en panne. »

 

J.M. Erre   Le Bonheur est au fond du couloir à gauche   Buchet-Chastel – 183 pages –